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Hannah Arendt
1. HANNAH ARENDT
« Agir au sens le plus général signifieprendre une initiative » (CHM, p.280).
CUF, séminaire II, le 7/12/19
2. La pierre angulaire de l’ouvrage
Ladistinction
entre
travail
(« labor »), œuvre (« work ») et
action (« action »), qui constitue la
pierre angulaire de l’ouvrage. (Paul
Ricoeur, préface à la CHM).
3. The disclosure of who
Nous abordons maintenant la catégorie de l’action. Soncritère principal, selon Hannah Arendt, est « the
disclosure of who » : la « révélation de l’agent dans la
parole et dans l’action ». L’action, ainsi reliée à la
parole, révèle l’homme comme celui qui initie et régit
(le terme grec arkhein a les deux sens), celui qui
commence quelque chose dans le monde. (Paul
Ricoeur, préface à la CHM).
4. Identité et responsabilité
Un premier accent tombe sur le« qui », c’est-à-dire le sujet
responsable. (Paul Ricoeur, préface à
la CHM).
5. Fuite de l’action
Toute surestimation de la vie économique ou sociale auxdépens de la vie politique revient à substituer des
comportements sociaux à l’action et, en conséquence, à
abolir la distinction entre le domaine public et le domaine
privé, la vie cherchant refuge dans la privauté et l’intimité.
Finalement, le « qui » que l’action révèle est le citoyen en
tant que distinct du travailleur et même du fabricant
d’artifices faits de main d’homme. Quand la politique
devient le seul apanage d’ingénieurs sociaux, l’homme, le
porteur de l’action, l’homme, le citoyen, est absorbé par le
travailleur-consommateur. (Paul Ricoeur, préface de la
CHM)
6. Action and Story
Le lien entre action et histoire racontée (story)constitue l’un des thèmes les plus frappants de tout le
traité sur la condition humaine. Ce lien est fort subtil.
Hannah Arendt ne veut pas dire que le déploiement de
la vie constitue en tant que tel une histoire, ni même
que la révélation du « qui » soit par elle-même une
histoire. Pourquoi lier de cette façon la révélation du
« qui » et le réseau des relations humaines ? Pour
rendre compte de l’opacité de toute histoire d’une vie
pour son propre « héros ». (Paul Ricoeur, préface à la
CHM).
7. Acteur, patient, auteur
Quelqu’un a commencé l’histoire eten est le sujet au double sens du
mot : l’acteur et le patient, mais
personne n’en est l’auteur. Arendt,
Hannah. Condition de l'homme
moderne.
8. FRAGILITÉ DES ACTIONS
La fragilité est un trait propre à l’actionen tant que telle. Arendt, Hannah.
Condition de l'homme moderne -
9. ACTION VS OEUVRE
• D’abord, tandis que l’œuvre laisse derrière elle desmonuments et des documents dont l’ensemble constitue
la permanence d’un monde, l’action en commun n’existe
qu’aussi longtemps que les acteurs l’entretiennent. Plus
précisément, le domaine public tire sa cohérence du
pouvoir. Et le pouvoir, comme le mot le suggère, demeure
potentiel par contraste avec la force qui persiste. Le
pouvoir existe quand les hommes agissent ensemble ; il
s’évanouit dès qu’ils se dispersent. (D’où la forte
tentation de substituer la violence au pouvoir.) Le pouvoir
est le modèle d’une activité qui ne laisse aucune œuvre
derrière elle et épuise sa signification dans son propre
exercice. Arendt, Hannah. Condition de l'homme moderne.
10. FRAGILITÉ ET RÉCIT
Cette « fragilité » des affaires humaines sereflète dans l’activité de raconter. Ce n’est que
quand l’action est terminée qu’elle peut être
racontée : « L’action ne se révèle pleinement
qu’au conteur, à l’historien qui regarde en
arrière et sans aucun doute connaît le fond du
problème bien mieux que les participants. »
Arendt, Hannah. Condition de l'homme moderne.
11. FRAGILITÉ / FUTILITÉ
L’action, par contraste avec lafabrication, comme les Grecs ont été
les premiers à le découvrir, est en soi
et par soi totalement futile ; elle ne
laisse pas de produit achevé derrière
elle. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne, p. 34.
12. RÉGRESSION DE L’AGIR AU FAIRE
Le concept même de « faire l’histoire » marquela régression de l’agir au faire. Dans la
conscience moderne, « nous pouvons aisément
détecter l’effort immémorial pour échapper aux
frustrations et aux fragilités de l’action
humaine en la construisant à l’image du faire ».
Arendt, Hannah. Condition de l'homme moderne.
13. ENJEU DE LA CHM
Rien de plus que de penser ceque nous faisons. Arendt,
Hannah. Condition de l'homme
moderne.
14. Condition de la pluralité
L’action, la seule activité qui mettedirectement en rapport les hommes, sans
l’intermédiaire des objets ni de la matière,
correspond à la condition humaine de la
pluralité. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne.
15. Condition du souvenir et de l’histoire
L’action, dans la mesure où elle seconsacre à fonder et maintenir des
organismes politiques, crée la
condition du souvenir, c’est-à-dire de
l’Histoire.
Arendt,
Hannah.
Condition de l'homme moderne.
16. Natalité
Toutefois, c’est l’action qui est le plusétroitement liée à la condition humaine de
natalité ; le commencement inhérent à la
naissance ne peut se faire sentir dans le monde
que parce que le nouveau venu possède la
faculté d’entreprendre du neuf, c’est-à-dire
d’agir. Arendt Hannah. Condition de l'homme
moderne.
17. Vie privée comme vie privative
La séparation de la sphère privée et de l’espace publics’entend dans le sens d’une valorisation du second. Zoé et
bios = seule la seconde est chargée de dignité. Dans le privé,
les Grecs ne voit qu’un aménagement des conditions
nécessaires de la vie biologique.
Vivre une vie entièrement privée, c’est avant tout être privé
des choses essentielles à une vie proprement humaine. Parmi
ces choses essentielles, il y a celle du partage d’un monde
commun qui fait la noblesse du politique et qui ne sort pas
indemne d’une focalisation sur la vie domestique.
18. Conséquences de l’apparition de préoccupations privées
L’apparition de préoccupations privées pour Arendt sur une scène qui
devrait demeurer indemne de toute psychologie a deux conséquences
néfastes :
(1) L’existence privée regroupe toutes les dimensions de la vie associées à
la contrainte. Ce n’est pas seulement des futilités de la vie domestique que
l’espace public nous protège, mais de la nécessité de fer qui régit la sphère
des relations privées. Pour les Athéniens accéder au rang de citoyen libre
impliquait de se rendre existentiellement disponible pour la délibération
démocratique : cette disponibilité est une conquête et suppose que les
hommes se soient affranchis des nécessités matérielles de la vie. Celles-ci
sont concentrées sur le domaine affectif, et dans le domaine des échanges
économiques où l’individu n’accède jamais à la conscience de sa liberté
politique. Dans l’espace privé règne l’assujettissement aux choses et aux
autres sous la double forme du travail et des passions = a contrario
l’espace public désigne une dimension d’existence où il n’y a ni chef ni
sujet seulement des citoyens capables d’élever leurs préoccupations au delà
de l’anecdotique.
19. Espace public
Mais la séparation du privé et du public possède encore une raison
plus profonde : Arendt rappelle que l’édification de l’espace public n’a
rien de naturel ou de facile. C’est toujours en arrachant leurs
existences au verdict de l’efficacité sociale que les hommes
parviennent à constituer quelque chose comme un monde commun.
Une communauté politique ne se constitue pas par l’addition des
préoccupations privées, ni même par leur synthèse dans un
hypothétique bien commun : il faut autre chose au mode d’existence
politique que la somme des intérêts et cette autre chose est le souci du
monde qui rend les hommes attentifs à leur destin public plutôt qu’à
eux-mêmes. Le politique bien plus qu’une question de gestion ou de
procédures : un changement dans la manière d’être des hommes
(Rousseau). Prééminence du souci du monde/ souci de soi. Dans
l’espace public écrit Arendt, l’apparence – ce qui est cru et entendu par
autrui comme par nous-même - constitue la réalité.
20. Espace public
• Espace public comme espace des apparences, ce n’est pasdire que c’est l’espace des illusions. L’illusion serait plutôt
de croire que la politique doit être assujettie au même
type de rationalité que les relations économiques ou au
même degré de certitude que les rapports intimes. Pour
Arendt, le monde commun où s’élabore la liberté
politique des hommes se suffit à lui-même, il n’est ni
nécessaire ni souhaitable de lui adjoindre une dimension
d’authenticité. Au citoyen on demande donc de s’oublier
comme individu et de mettre entre parenthèses ses
sentiments privés.
21. Monde commun
• Comme le dit bien Arendt, l’édification d’un mondecommun est ce qui nous empêche de « tomber » les uns
sur les autres. La formule doit être entendue littéralement
= le monde commun est ce qui nous protège de la
violence que fait peser sur nous l’exhibition de la
psychologie des autres. Loin d’être une contrainte ou
l’effet d’un moindre mal, l’institution politique apparaît
comme une protection face à la menace que constitue
l’empiètement des sentiments dans le gouvernement des
affaires humaines. La distance à soi et aux autres est une
condition de la civilité qui constitue le meilleur rempart
contre la promiscuité du cœur. La privatisation de
l’espace public est donc dangereuse, car elle détruit l’entre
eux qui sépare les hommes et garantit leur liberté.
22. Deux ordres d’existence
Nous avions déjà souligné que la réflexion d’Arendt sur l’espace public se
développait en dressant un portrait contrasté de l’opposition entre existence publique
et existence privé chez les Grecs :
Rq 1 : la différence entre les deux ordres est celle de deux ordres d’existence (CHM,
p.61). Comprendre cette expression en un sens fort : l’avènement de la cité confère à
l’homme une sorte de seconde vie, son bios politikos. Par définition, si on s’appuie
sur les termes grecs, une vie passée dans l’intimité du chez soi, dans l’intimité de ce
qu’on a à soi est une vie idiote. Pas une différence fondamentale selon eux chez les
Romains, la vie privée garde un sens soustractif : la vie privée = cette vie où l’on se
retire quand on se retire temporairement des affaires de la res publica. La vie privée
signifie que l’on était littéralement privé de qqc, à savoir des facultés les plus hautes
et les plus humaines. Cf. Condition de l’homme moderne = p.99 ; vivre une vie
entièrement privée, c’est avant tout être privé des choses essentielles à une vie
proprement humaine. Parmi ces choses essentielles, il y a celle du partage d’un
monde commun qui fait la noblesse du politique et qui ne sort pas indemne d’une
focalisation sur la vie domestique.
23. Deux définitions de l’espace public
Rq 2 : pour un Grec, privé s’entend en un sens privatif, c’est la vie centrée autour du foyer
et de la famille. L’espace public se définit entièrement par opposition à ce sens privatif,
nécessiteux de l’existence. Il est par excellence l’espace de la liberté, ou encore l’espace de
la liberté en tant que cette dernière se confond avec la liberté politique.
Arendt part des deux définitions de l’espace public :
- Public déf. = (1) « tout ce qui paraît en public peut être vu et entendu de tous, jouit de la
plus grande publicité possible », dans cette première acception du public, l’accent porte sur
le paraître. Car pour nous l’apparence – ce qui est vu et tendu par autrui comme par nousmêmes constitue la réalité (comparées à la réalité que confèrent la vue et l’ouïe les plus
grandes forces de la vie intime – les passions, les pensées, les plaisirs de sens, mènent une
vague existence d’ombres tant qu’elles ne sont pas transformées (arrachées au privé,
désindividualisées pour ainsi dire) en objets dignes de paraître en public. C’est la
transformation qui se produit d’ordinaire dans le récit et généralement dans la
transposition artistique des expériences individuelles. Pas besoin de ressources de l’art, il
suffit que s’appuyer sur nos ressources langagières : chaque fois que nous décrivons des
expériences qui ne sont possible que dans le privé ou dans l’intimité, nous les plaçons dans
une sphère où elles prennent une sorte de réalité qu’en dépit de leur intensité, elles
n’avaient pas auparavant.
24. Se retirer graduellement de l’apparence
NB. D’où l’affirmation au premier abord curieused’Arendt selon laquelle l’intensification de la vie privée, du
domaine et de l’importance accordée au privé va aller de
pair avec une intensification du doute/ réalité extérieure.
Cas-limite : celui de la douleur physique : le plus privé/ le
moins communicable. Expérience d’une subjectivité
radicale, expérience limite au sens où il s’agit d’une
expérience entre être parmi les choses (inter homines esse) et
la mort // Goethe vieillir : se retirer graduellement de
l’apparence
(stufenweises
Zurücktreten
aus
der
Erscheinung).
25. Espace public (2)
• (2) dans la seconde acception du terme, le mot publicdésigne le monde lui-même en tant qu’il nous est
commun à tous et se distingue de la place que nous y
possédons individuellement.
• Ce monde commun = ce qui nous accueille à notre
naissance, ce que nous laissons derrière nous en mourant.
Ce que nous avons en commun pas seulement avec nos
contemporains mais aussi avec ceux qui sont passés et
avec ceux qui viendront après nous = c’est la publicité du
domaine public qui sait absorber et éclairer d’âge en âge
tout ce que les hommes peuvent vouloir arracher aux
ruines naturelles.
26. Espace public au sens littéral
L’espace public pour Arendt est d’abord à entendre de la manière la
plus concrète et non métaphorique comme un espace :
Le trait le plus intéressant et le plus saillant des analyses d’H. Arendt :
l’espace public n’est pas pensé ici de manière métaphorique, il est
pensé comme un espace concret : réciprocité entre l’agora comme
espace public et l’espace de liberté entendu comme espace à remplir
par ou pour notre liberté dans la mesure où pour Arendt la liberté
s’entend avant tout comme liberté de commencer. L’espace public est
d’abord présenté par Arendt pour les Grecs comme un espace de
rencontre et de délibération ; il n’est pas un espace commun mais un
espace de mise en commun : en tant qu’il se présente comme un
espace à remplir, il ne saurait y avoir a priori de définition de ce qui s’y
passe, l’espace public précède toute constitution formelle du domaine
public et des formes de gouvernement (voir CHM, p.223).
27. Espace urbain
Intégration de l’espace à sa pensée politique autrement que
comme métaphore a conduit Arendt à souligner la relation
privilégiée de la ville à la mise en commun. Il faut en effet pour
conserver la puissance qui surgit de l’action en commun que les
hommes vivent assez longtemps près les uns des autres pour que
les possibilités d’action soient toujours présentes. La fonction des
villes est par conséquent la condition matérielle la plus importante
de la puissance (p.223), comme l’a montré Vernant : l’avènement
de l’organisation politique de la cité grecque qui sert de point
d’ancrage à Arendt = se marque d’abord par une transformation
de l’espace urbain = le domaine politique y est solidaire d’une
représentation de l’espace qui met l’accent de manière délibérée
sur le cercle et sur le centre. Le plan des cités grecques est organisé
de manière à ce que se dessine un centre qui est une place l’agora
dont Vernant cherche l’origine dans les assemblées d’égaux régies
par la libre prise de parole.
28. C’est un espace d’intervalle
• Mais le fait même que Arendt pense l’espace publiclittéralement comme un espace public ne réduit pas
l’espace public à un espace empiriquement commun ou à
un lieu où empiriquement les uns et les autres se
rencontrent. Cette première étape de l’analyse (EP est un
espace public concret) se redouble d’une seconde étape
dans son analyse : l’espace public pour Arendt ne renvoie
pas seulement à la fonction du centre urbain : l’espace
public est également du fait même qu’il s’agit d’un espace
de mise en commun plutôt qu’un espace commun tout
court : espace d’intervalle : d’où le leitmotiv : inter
homines : pas seulement donc la fonction d’un centre
mais d’un espace de liberté au sens où il nous empêche
de tomber les uns sur les autres. CHM p. P.63
29. Destruction des distances
À l’inverse du totalitarisme : terreur qui non seulement pousse às’isoler les uns les autres mais qui détruit les distances : « en
écrasant les hommes les uns contre les autres la terreur totalitaire
détruit l’espace entre eux. » Voir Les Origines du totalitarisme : III, le
Système totalitaire, p.212.
Penser l’espace public = penser l’espace comme adjointement
d’intervalles (voir E. Tassin, « Espace commun ou espace public »,
Hermés, 1991) (rejoint Tarde : la foule est définie par l’absence
d’intervalles). Pour Arendt : les êtres humains qui se présentent
dans l’espace public prennent des places différentes et adoptent
des angles de vue nécessairement différents. Il se peut qu’il n’y ait
pas entre eux de dénominateur commun. En cela l’espace public
qu’elle dessine se pose comme la négation de l’hystérie où chacun
multiplie et prolonge la perspective du voisin. P.68-9
30. Espace public comme espace de liberté
• L’espace public est donc pour Arendt un espace de liberté en cesens qu’il préserve la juste distance entre nous : pas un « nous »
de la fusion. Une compréhension des hommes physiquement
rassemblés mais qui se tiennent à une juste distance. Un espace
qui n’est pas englobant mais qui se joue dans les interstices qui
dégagent et laissent libres : à la fois ce qui se déploie entre les
hommes, sans les séparer irréductiblement : « Le domaine
public nous rassemble, mais aussi nous empêche de tomber les
uns sur les autres ». Ces interstices sont l’envers, si je puis dire,
des contraintes de la vie domestique. Accéder au rang de
citoyen libre = ajouter une dimension à son existence dans la
mesure exacte où l’édification de l’espace public (j’emprunte ici
à Arendt l’un de ses titres pas faire le monde, mais “édifier le
monde”) n’a rien de naturel ou de facile.
31. Le tournant du christianisme
Ce qui se produit pour Arendt dans les circonstances modernes : uneprivation des relations objectives avec autrui, d’une réalité garantie
par ces relations, phénomène de masse de la solitude qui lui donne sa
forme la plus extrême et la plus anti-humaine. Cette extrémité vient
du fait que la société de masse ne détruit pas seulement le domaine
public, mais également le privé : elle prive les hommes de leur place
dans le monde mais encore de leur foyer où ils se sentaient jadis
protégés du monde. Le tournant n’est pas le passage des Grecs aux
Romains pour Arendt mais l’avènement du christianisme = chacun
doit s’occuper de ses affaires, la responsabilité politique est un fardeau
dont on ne se charge que pour le bien être et le salut des autres ainsi
délivrés du souci des affaires publiques. L’illusion serait plutôt de
croire que la politique doit être assujettie au même type de rationalité
que les relations économiques ou au même degré de certitude que les
rapports intimes.
32. Monde commun et condition de pluralité
La pluralité= pour Arendt leshommes sont politiques parce qu’ils
sont au pluriel. Ce n’est pas l’homme
au singulier qui vit sur terre et habite
le monde, ce sont les hommes.
33. Espace public et apparences
L’espace public est le lieu de l’apparaître au sens oùj’apparais aux autres qui m’apparaissent, elle insiste sur
le regard d’un public et dit la nécessité d’une scène.
(mais ne pas prendre la phénoménalité de la vie
politique pour une simple question de visibilité, ce n’est
pas du tout le sens de qu’Arendt entend montrer, cf.
pour s’en assurer les premières pages de la Vie de
l’esprit où elle montre très bien qu’elle entend par
apparences la phénoménalité elle-même, les êtres
vivants comme des faits de monde).
34. Scène d’apparition de la liberté
« La polis grecque était autrefois précisément cetteforme de gouvernement qui procurait aux hommes une
scène où ils pouvaient jouer et une sorte de théâtre où
la liberté pouvait apparaître. Crise de la culture, p.200.
Liée à la notion d’adresse et d’interpellation.
La question de la visibilité est plus profonde qu’il n’y
paraît. À ne pas confondre avec une question qui
toucherait seulement les apparences sociales. Idée que
certaines choses tout simplement pour exister ont
besoin d’être cachées.
35. Sens commun et sensus communis
L’idée qui guide Arendt ici lui fait prendre une distance trèsnette avec la réduction de l’espace public à un espace
concret : en dépit du fait qu’Arendt prend au sérieux
l’espace de l’espace public, il est impossible de comprendre
le sens de la distance et la phénoménalité sur lequel nous
venons d’insister sans mobiliser le sensus communis par
opposition au sens commun.
Arendt emprunte le concept de sensus communis à Kant, au
Kant de la Troisième Critique dont elle propose une lecture
originale, originale parce qu’infidèle. Seul cet usage permet
de comprendre comment la première acception (publique) et
la seconde acception (monde commun) de l’espace public se
rejoignent.
36. Pas de réduction d’un plan transcendantal à un plan empirique de l’analyse
Arendt ne rabat pas la dimension transcendantale del’espace public sur l’expérience commune. Rien ne lui
est plus étranger que le partage immédiat des
sentiments qui naîtrait de la simple comparaison avec
d’autres jugements empiriques.
Cf. Penser l’événement : « quand il convient de juger
sans s’en remettre à l’application des règles générales
admises. »
37. Sensus communis
• Pour Arendt, le sensus communis est le sens de la communautéà la différence du sens commun. L’usage du terme latin dénote
l’intervention d’un sens supplémentaire : une sorte de capacité
mentale additionnelle qui nous dispose à entrer dans une
communauté. Or, comme l’écrit Arendt, « c’est l’humanité
même de l’homme qui se manifeste dans ce sens ». D’où
l’importance pour elle de la distinction entre sensus communis
et sensus privatus (dans l’Anthropologie du point de vue
pragmatique, le sensus privatus est défini comme perte du sens
commun, comme égoïsme logique ; est un égoïste logique celui
qui ne soumet pas sa pensée aux critères du public). Le sensus
communis se réapproprie quelque chose comme une dimension
transcendantale à quoi il est fait appel potentiellement.
38. Kant, Conflit des facultés
• Cf. Conflit des facultés, seconde section = distinction entre lepoint de vue de l’acteur et celui des spectateurs étroitement liés
les uns aux autres par une sympathie d’inspiration qui touche
de près à l’enthousiasme. Ce sont ces spectateurs au pluriel et
non impliqués dans l’action qui ont la capacité de déceler dans
le cours des événements un sens qui échappe au point de vue
partiel et partial de l’acteur. Ce sont eux qui ont fait de la
Révolution française un événement public et signifiant pour
l’histoire du monde et qui ont constitué le domaine public
approprié à cet événement particulier. Pour Arendt la relation
entre génie et goût est l’équivalent ou l’analogon de la relation
entre l’acteur et le spectateur. La condition sine qua non de
l’existence de tels objets est la communicabilité. Le jugement
des spectateurs constitue l’espace au sein duquel apparaissent
les beaux objets
39. La vie de l’esprit
La Vie de l’esprit TOME I : c’est en temps de crise historique (en cas de
situations critiques) que ceux qui exercent leur penser critique (au sens du
krinein grec) et leur faculté de jugement refuse de se laisser emporter sans
réfléchir. S’arrachant non seulement à l’immédiateté qui engendre l’habitude
et annihile la conscience, mais aussi à l’immédiateté des règles communément
admises, ils tentent de prendre la distance requise pour apprécier la situation =
parce que la politique se définit par la phénoménalité, la révélation de
l’apparaître les thèmes du champ politique ne sont pas des objets mais des
apparitions ou des phénomènes. L’aptitude du jugement à appréhender un
particulier non subsumable sous un univers déjà donné est particulièrement
mise à l’épreuve dans des situations de crise ou d’urgence lorsqu’il convient de
juger sans s’en remettre à l’application de règles généralement admises. Les
jugements politiques sont des jugements réfléchissants. Lecture politique du
rôle de l’imagination dans l’aptitude à exercer la faculté de juger.
L’imagination défait l’emprise des règles, des codes et des normes de conduite
dont nous avons depuis longtemps oublié le fondement existentiel pour ne
retenir que leur cohérence formelle et la sécurité qu’ils assurent.
40. Vie de l’esprit
Pour mieux comprendre ce dernier point, voir le premier tome de la Vie de l’esprit :
Penser, de nouveau (que fait-on quand on ne fait que penser ? Où est-on quand on
pense ?
Premier tome de la Vie de l’esprit au prisme de la distinction entre penser et juger :
dans ces pages que se trouvent les pistes de réflexion les plus intéressantes : nous ne
sommes pas dans le monde mais au monde pour Arendt : je cite la page 41 de
l’édition Quadrige « en fait nous sommes du monde et pas simplement au monde ;
nous aussi sommes des apparences avec nos arrivées et nos départs, nos apparitions
et nos disparitions ; et bien que venus de nulle part, nous nous présentons équipés de
pied en cap pour faire face à tout ce qui nous apparaît et prendre part au jeu du
monde. Or, ajoute-t-elle « ces attributs ne se volatilisent pas quand nous nous
trouvons engagés dans des activités mentales et fermons volontairement les yeux du
corps afin d’ouvrir les yeux de l’esprit, idée de la pensée comme retrait alors que
juger c’est revenir au monde : accepter la pluralité des voix de l’espace public pour
Arendt c’est tirer toutes les conséquences du fait que la vérité au sens absolu du
terme est inaccessible à l’homme.
41. Juger
• Pas de relativisme des opinions, dire ce qui semble vrai =capacité à juger et à former des opinions. Le lieu auquel
revient le jugement après s’en être momentanément
détourné est le monde commun = le juger est l’activité de
l’esprit qui nous ramène au lieu du politique entendu
dans son sens le plus large : l’espace d’apparence où se
révèle le “qui” des acteurs, mais aussi des spectateurs. Ne
pas voir dans la référence au spectateur une forme de
passivité ou une position de repli. Le spectateur n’est pas
le témoin passif de l’action engagée devant ses yeux. Pas
un repli donc mais une extension de la responsabilité
politique sous les espèces du jugement. Le jugement ici a
une portée critique (cad par définition anti-autoritaire).
42. Travail, œuvre, action
• Le travail, pris dans le mouvement cyclique du processusvital corporel, n’a ni commencement ni fin. L’action,
comme nous le verrons, si elle peut avoir un
commencement défini, n’a jamais de fin prévisible. Cette
grande sécurité de l’œuvre se reflète dans le fait que le
processus de fabrication, à la différence de l’action, n’est
pas irréversible : tout ce qui est produit par l’homme peut
être détruit par l’homme, et aucun objet d’usage n’est si
absolument nécessaire au processus vital que son auteur
ne puisse lui survivre. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne -
43. Plaisir de l’action
Car en toute action l’intention première de l’agent,qu’il agisse par nécessité de nature ou volontairement,
est de révéler sa propre image ; d’où vient que tout
agent, en tant qu’il agit, prend plaisir à agir puisque
tout ce qui est désire son être et puisque dans l’action
l’être de l’agent est en quelque sorte intensifié, le plaisir
suit nécessairement. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne.
44. Sens de la pluralité
• La pluralité humaine, condition fondamentale de l’actionet de la parole, a le double caractère de l’égalité et de la
distinction. Si les hommes n’étaient pas égaux, ils ne
pourraient se comprendre les uns les autres, ni
comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir
et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. Si
les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se
distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils
n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se
faire comprendre. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne -
45. Parole et action.
C’est par le verbe et l’acte que nousnous insérons dans le monde
humain.
46. Erreur du matéralisme
• L’erreur fondamentale de tout matérialisme enpolitique – et ce matérialisme n’est pas d’origine
marxiste, ni même moderne, il est aussi vieux que
l’histoire de nos théories politiques - est de ne pas
remarquer qu’inévitablement les hommes se révèlent
comme sujets, comme personnes distinctes et
uniques, même s’ils se concentrent tout entiers sur
des objectifs. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne .
47. Action/ acteur/auteur
• Bien que chacun commence sa vie en s’insérant dansle monde humain par l’action et la parole, personne
n’est l’auteur ni le producteur de l’histoire de sa vie.
En d’autres termes les histoires, résultats de l’action
et de la parole, révèlent un agent, mais cet agent n’est
pas auteur, n’est pas producteur. Quelqu’un a
commencé l’histoire et en est le sujet au double sens
du mot : l’acteur et le patient ; mais personne n’en
est l’auteur. Arendt, Hannah. Condition de l'homme
moderne.
48. Être contée
Que chaque vie individuelle entre la naissance et la
mort puisse éventuellement être contée comme
histoire ayant un commencement et une fin, c’est la
condition prépolitique et préhistorique de l’Histoire,
le grand conte sans commencement ni fin. Arendt,
Hannah. Condition de l'homme moderne -
49. Échapper aux calamités de l’action
• La monotonie remarquable des solutions qui ont étéproposées tout au long de l’Histoire témoigne de la
simplicité élémentaire du problème. Généralement
parlant, il s’agit toujours d’échapper aux calamités de
l’action en se réfugiant dans une activité où un homme,
isolé de tous, demeure maître de ses faits et gestes du
début à la fin. Cette tentative de remplacer l’agir par le
faire est manifeste dans tous les réquisitoires contre la
« démocratie » qui, d’autant plus qu’ils sont mieux
raisonnés et plus logiques, en viennent à attaquer
l’essentiel de la politique. Arendt, Hannah. Condition de
l'homme moderne.
50. Fuir la fragilité des affaires humaines
• Fuir la fragilité des affaires humaines pour seréfugier dans la solidité du calme et de l’ordre, c’est
en fait une attitude qui paraît si recommandable que
la majeure partie de la philosophie politique depuis
Platon s’interpréterait aisément comme une série
d’essais en vue de découvrir les fondements
théoriques. Arendt, Hannah. Condition de l'homme
moderne.
51. Pardon et promesse
• Le cas de l’action et de ses problèmes est toutdifférent. Contre l’irréversibilité et l’imprévisibilité
du processus déclenché par l’action le remède ne
vient pas d’une autre faculté éventuellement
supérieure, c’est l’une des virtualités de l’action ellemême. La rédemption possible de la situation
d’irréversibilité – dans laquelle on ne peut défaire ce
que l’on a fait, alors que l’on ne savait pas, que l’on
ne pouvait pas savoir ce que l’on faisait –, c’est la
faculté de pardonner.
52. Tenir ses promesses
• Contre l’imprévisibilité, contre lachaotique incertitude de l’avenir, le
remède se trouve dans la faculté de
faire et de tenir des promesses. Arendt,
Hannah. Condition de l'homme
moderne.
53. Pardon et promesse
• Celle du pardon sert à supprimer les actes du passé,dont les « fautes » sont suspendues comme l’épée de
Damoclès au-dessus de chaque génération nouvelle ;
l’autre, qui consiste à se lier par des promesses, sert à
disposer, dans cet océan d’incertitude qu’est par
définition l’avenir, des îlots de sécurité sans lesquels
aucune continuité, sans même parler de durée, ne
serait possible dans les relations des hommes entre
eux. Arendt, Hannah. Condition de l'homme
moderne.